L'effet d'Entourage : CBD / THC / terpènes, une synergie prometteuse?

L’EFFET D’ENTOURAGE : DES ÉLÉMENTS SCIENTIFIQUES ÉTAYENT LA THÉORIE

 Les plantes de cannabis contiennent plus de 120 phytocannabinoïdes différents. Ces molécules agissent sur notre système endocannabinoïde, qui maintient notre organisme en homéostasie, c'est-à-dire en équilibre.

 Le cannabidiol (CBD) et le tétrahydrocannabinol (THC) sont deux des phytocannabinoïdes les plus étudiés et les plus populaires. Les gens prennent du CBD et du THC de diverses manières, et ces molécules peuvent être consommés séparément ou bien ensemble. (En France, nous rappelons que tout produit contenant un taux de THC supérieur à 0,2 % est totalement interdit pour le moment.)

Alors que la recherche continue de dévoiler les mystères du cannabis, l'effet d'entourage gagne en crédibilité.

Grâce à son efficacité et à sa popularité, le « CBD » est devenu un acronyme bien connu des professionnels de la santé et des patients, et ce particulièrement aux États-Unis, au Canada et dans d’autres parties du monde. La France quant à elle, commence seulement à se pencher sur la question, même si de nombreux thérapeutes parlent déjà des bienfaits de cette molécule à leurs patients, sans pour autant que sa prescription soit possible pour le moment. La recherche sur les effets médicinaux de cette molécule a révélé son efficacité potentielle pour une liste toujours plus longue de problématiques liées à la santé. 

Mais les extraits purs de CBD n'offrent peut-être pas les meilleurs résultats thérapeutiques possibles. Un nombre croissant de chercheurs pensent que le fait de prendre le THC et le CBD conjointement - (même dans le cas où le THC est inférieur à 0,2%) serait beaucoup plus efficace que de prendre du CBD seul. De plus, ces substances produisent des résultats encore supérieurs lorsqu'elles sont administrées sous une forme naturelle, en combinaison avec d'autres composés organiques présents en plus petites quantité dans les plantes de cannabis, comme les cannabinoïdes mineurs (CBG, CBN, CBC etc…), les terpènes et les flavonoïdes. Ces composés sont souvent appelés "produits de la plante entière" ou "produits à spectre complet".

 Ces chercheurs affirment que c'est le résultat d'un principe théorique connu sous le nom « d'effet d'entourage ». En résumé, il s'agit de la théorie selon laquelle tous les composés du cannabis fonctionneraient ensemble, en synergie, et que lorsqu'ils sont pris simultanément, ils produisent un effet plus puissant que lorsqu'ils sont pris seuls. Chaque molécule potentialiserait donc les effets des autres substances avec lesquelles elle serait prise conjointement.

 Bien que certains aient encore des doutes, des preuves expérimentales et anecdotiques ont convaincu de nombreux consommateurs de cannabis et professionnels du secteur que l'effet d'entourage est bien réel.  

EFFET D'ENTOURAGE : ALLONS PLUS LOIN

Lorsque plusieurs composés du cannabis sont intégrés ensembles, leurs effets médicinaux peuvent être modifiés ou renforcés. Les saveurs et les capacités psychoactives peuvent également être affectées, créant ainsi des produits distincts aux caractéristiques variées.

Selon les défenseurs de cette théorie, la dynamique de groupe de l'effet d'entourage peut créer des propriétés émergentes qui, autrement, ne seraient pas directement liées à la présence de THC ou de CBD purs isolés. Beaucoup de ceux qui travaillent étroitement avec le cannabis pensent que l'effet d'entourage peut augmenter considérablement l'utilité médicinale du THC et du CBD, soit en amplifiant leurs effets connus, soit en élargissant leur menu d'applications thérapeutiques.

Les effets thérapeutiques des composés du cannabis découlent de leur capacité à se lier aux récepteurs endocannabinoïdes présents naturellement dans le cerveau et dans tout le système nerveux central. Le système endocannabinoïde humain est conçu pour se lier aux cannabinoïdes endogènes produits par l'organisme, mais les composés trouvés dans les plantes de cannabis peuvent se lier à ces récepteurs tout aussi efficacement.

Les avantages pour la santé abondent lorsque le cannabis médicinal de haute qualité est consommé par les humains. L'effet d'entourage est peut-être l'une des raisons pour lesquelles la marijuana serait un potentiel médicament si efficace.

 CANNABINOÏDES, TERPÈNES ET FLAVONOÏDES : DES PARTENAIRES DE GUÉRISON NATURELLE : UN TOUR D’HORIZON DES ETUDES ACTUELLES.

 On pense que l'effet d'entourage résulte des interactions entre les cannabinoïdes, les terpènes et les flavanoïdes. Les terpènes sont des huiles essentielles aux arômes et saveurs distinctifs, et les caractéristiques des différents produits du cannabis sont souvent déterminées par leurs concentrations relatives en terpènes spécifiques.

 À l'heure actuelle, la plupart des recherches sur l'effet d'entourage se sont concentrées sur les interactions entre le THC et le CBD, et plus précisément sur la manière dont le second peut affecter le premier.  

 "La molécule ayant le plus d'influence sur le THC, c’est le CBD", déclare Ethan Russo, un neurologue qui occupe le poste de directeur de la recherche et du développement à « l'institut International du Cannabis et des cannabinoïdes » de Prague. Personne dans le secteur ne s'est peut-être donné autant de mal pour prouver l'existence de l'effet d'entourage que Russo, qui parcourt la littérature scientifique à la recherche de ses empreintes depuis des décennies.

 Pour prouver l'impact du CBD sur l'expression du THC, M. Russo mentionne un essai clinique réalisé en 2010 sur l'analgésique Sativex, prescrit aux patients atteints de sclérose en plaques. Le médicament comprend un mélange relativement équilibré de THC et de CBD.

 Dans le cadre d'une étude contrôlée, le Sativex a été administré à des personnes souffrant de grandes douleurs liées au cancer. Certains participants inscrits à l'étude ont reçu une préparation d'extrait de THC pur, tandis que d'autres ont reçu un placebo.  Le Sativex s'est avéré avoir un effet analgésique significatif chez 40 % des patients qui l'ont pris, ce qui le rendait deux fois plus puissant que l'extrait de THC. Cette différence a été observée alors que la teneur en THC de chaque préparation était identique, ce qui ne peut que signifier que le CBD augmente d'une manière ou d'une autre le pouvoir analgésique ou « antidouleur » du THC.

 D'autres recherches indiquent que le Sativex ne produit pas les effets secondaires psychotiques ressentis à certaines occasions par ceux qui consomment régulièrement du THC pur.

 Une autre étude, réalisée en 2016, a comparé les expériences de consommateurs de cannabis qui fumaient du THC pur à ceux qui fumaient des produits de cannabis comprenant à la fois du THC et du CBD. Alors que ceux qui ont consommé du THC pur ont connu des effets secondaires tels que l'anxiété, la faim, la sédation, ainsi que des problèmes de mémoire et d'autres difficultés cognitives, (résultats typiques associés à ce composé), ceux qui ont fumé du THC et du CBD ensemble n'ont pas connu de tels troubles, ou ces troubles ont étés significativement réduits.

 En analysant les résultats de ces études, les chercheurs attribuent au CBD la capacité de modérer ou d'intensifier l'activité de liaison du THC avec les récepteurs cannabinoïdes du cerveau.  

 Un certain nombre de conditions ont également été étudiées en conjonction avec l'effet d'entourage. Une revue d'études parue en 2011 dans le « British Journal of Pharmacology » a révélé que la prise conjointe de terpènes et de phytocannabinoïdes pouvait être bénéfique pour combattre : La douleur, l'anxiété, l'inflammation, l'épilepsie, les effets secondaires de la chimiothérapie, les tumeurs cancéreuses, les infections fongique…et la liste est loin d’être exhaustive.

 Les composés phytochimiques comme les terpènes et les flavonoïdes pourraient en outre, être bénéfiques pour la santé du cerveau :

 Une recherche de 2018 a révélé que certains flavonoïdes et terpènes pourraient avoir des effets neuro-protecteurs et anti-inflammatoires, ce qui pourrait se révéler très prometteur pour les patients atteints de maladies neuro-dégénératives tels que la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer.

 À l'heure actuelle, les recherches sur les effets de la combinaisons cannabinoïdes-terpènes sont peu nombreuses, mais une méta-analyse réalisée en 2018 a révélé que les extraits purs de CBD étaient beaucoup moins efficaces pour réduire l'apparition de certains types de maladies.

 Cette analyse a par exemple révélé que les extraits de CBD pur étaient beaucoup moins efficaces pour réduire l'occurrence des crises chez les patients épileptiques que les extraits comprenant un mélange de cannabinoïdes, y compris des terpènes. Alors que 71 % des personnes ayant pris la préparation mélangée ont eu moins de crises, seuls 46 % des personnes traitées avec du CBD pur ont connu le même résultat.

 Les études en laboratoire pourraient un jour établir l'existence de l'effet d'entourage au-delà de tout doute raisonnable. Ce jour n'est pas encore arrivé, mais les recherches qui suggèrent fortement que l'effet est réel commencent à s'accumuler, ainsi que de nombreuses preuves anecdotiques provenant d'utilisateurs dont les expériences avec le cannabis médicinal varient en fonction de la composition chimique des produits qu'ils ont consommés. 

 UNE PREUVE ANECDOTIQUE RESTE UNE PREUVE

Les chercheurs qui restent sceptiques quant à l'effet d'entourage soulignent le manque d'études en laboratoire contrôlées et en double aveugle pour vérifier sa réalité. De par sa nature même, l'effet d'entourage est un processus compliqué à retracer et à identifier.

 Les défenseurs de l'effet d'entourage reconnaissent les limites de la recherche actuelle.

 "Nous ne pouvons pas faire d’études très basiques sur ce qui est vraiment vrai", déplore Mowgli Holmes, un généticien qui a fondé Phylos Bioscience, une entreprise de génétique du chanvre et du cannabis située à Portland, dans l'Oregon. "Mais vous avez des milliers et des milliers de personnes qui rapportent la même chose. Il devient difficile de l'ignorer".

 L'obstination des gouvernements à refuser de classer le cannabis récréatif comme une substance thérapeutique a empoisonné les racines de la recherche légitime, la rendant quasiment impossible. En attendant, certains scientifiques qui étudient les propriétés curatives du cannabis sont réticents à accepter les preuves anecdotiques comme faisant autorité, ce sur quoi l'effet d'entourage s'appuie largement pour démontrer sa validité.

 Mais les preuves anecdotiques sont nombreuses et précises.

 "Nous avons mis en place un certain nombre de groupes de discussion, de collecte et d'analyse de données, et 80 ou 85 % des gens concernés ressentent les effets en question", déclare le chimiste Chris Emerson, cofondateur de Level Blends, une entreprise qui exploite l'effet d'entourage pour créer une gamme variée de produits distincts. "Nous ne comprenons pas encore comment tous ces éléments fonctionnent de concert. Mais je mets tout en œuvre pour cela, car j’y crois dur comme fer."

 En tant que l'un des principaux experts de la science de l'effet d'entourage, Ethan Russo admet que des travaux supplémentaires sont nécessaires pour clarifier les mécanismes exacts impliqués.

 « Avons-nous besoin de meilleures études pour prouver le concept ?" demande-t-il rhétoriquement. « La réponse est oui. J'y crois parce que je connais depuis 40 ans les différences entre les différents types de cannabis. Ils ont une odeur différente. Ils ont un goût différent. Ils ont des effets différents ».

 Le témoignage des consommateurs de cannabis est cohérent avec la thèse selon laquelle de petites différences de proportions dans les mélanges de cannabinoïdes et de terpènes créent des expériences différentes pour les utilisateurs. Cela semble indiquer que des propriétés nouvelles et uniques peuvent émerger de l'interaction de divers composés chimiques du cannabis et que même des altérations minuscules de la formule peuvent suffire à produire des différences médicalement significatives.

 Si les preuves anecdotiques soutenant la réalité de l'effet d'entourage ne sont peut-être pas concluantes, elles devraient être suffisamment convaincantes pour motiver les chercheurs à poursuivre leur quête de la vérité.